Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/148

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hommes, et en de fortes paroles Mulvaney s’expliqua :

— Suivant votre plan d’imbéciles, j’arrivai au delà des casernes, dans le désert inexploré. Et là je rencontrai un pieux Hindou conduisant une charrette à bœufs. Je ne doutai pas qu’il serait enchanté de m’emmener un bout, et je sautai à son bord.

— Espèce de grand fainéant de porc à cheveux noirs, blagua Ortheris, qui eût fait comme lui en pareille circonstance.

— C’était le comble de l’adresse. Ce négro me charria pendant des kilomètres et des kilomètres… jusqu’à la nouvelle ligne de chemin de fer que l’on est en train de construire derrière la rivière du Tavi. « Ce n’est qu’un vil chariot à ordures », répétait craintivement mon homme de temps à autre, pour me faire descendre. « Ordure je suis, que je répondais, et la pire que tu aies jamais charriée. Va toujours, mon fils, et la gloire soit avec toi. » Là-dessus je m’endormis, sans plus rien savoir jusqu’au moment où il fit halte devant le talus de la voie où les coolies entassaient de la terre. Il y avait sur cette voie quelque chose comme deux mille coolies… rappelez-vous ça. Et voilà qu’une cloche tinte, et qu’ils s’encourent vers un grand hangar de paye. « Où est le blanc de service ? que je dis à mon conducteur de chariot. — Dans le hangar, qu’il me répond, occupé à une lotirie. — À quoi ? que je dis. — Lotirie, qu’il dit. Vous prendre billet. Lui prendre argent. Vous avoir rien. — Aha ! que je dis. C’est ce qu’un homme supérieur et cultivé appelle une loterie, igno-