Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/260

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meuglait comme un taureau furieux quand il voulait se faire persuasif. Lui aussi, le régiment l’aimait parce qu’en cas de besoin il lui arrivait de retrousser sa soutane et de charger avec le reste au plus joyeux de la bagarre, où il ne manquait jamais de découvrir, le brave homme, que les saints lui envoyaient un revolver quand il y avait un soldat tombé à défendre, ou — mais il n’y pensait qu’après — sa propre tête grise à sauvegarder.

Prudemment selon ses instructions, amicalement, et à grand renfort de bière, Mulcahy s’ouvrit de ses projets à ceux qu’il crut les plus disposés à l’écouter. Et ceux-ci étaient jusqu’au dernier, de cette race de gens bizarres, retors, doux, profondément impulsifs et profondément aimables, qui se battent comme des démons, discutent comme des enfants, raisonnent comme des femmes, obéissent comme des hommes, et plaisantent comme leurs propres farfadets de la lande, qu’il s’agisse de rébellion ou de fidélité, de besoin, d’inimitié ou de guerre. Le travail souterrain d’une conspiration est toujours fastidieux et à peu près le même sur toute la terre. Au bout de six mois — la semence tombait toujours en bon terrain — Mulcahy parlait presque explicitement avec, sur le mode classique, des allusions obscures aux puissances redoutables qui le secondaient, et ne conseillant ni plus ni moins qu’une révolte. N’étaient-ils pas maltraités comme des chiens ? N’avaient-ils pas tous à satisfaire leurs rancunes personnelles et nationales ? Qui donc de nos jours oserait faire quelque chose à neuf cents hom-