Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/265

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L’homme du Kerry le regarda, hésitant, mais il encaissa. Les risques d’un combat étaient trop grands.

— Alors, pour son argent, tu ne donneras même pas… un gnon à Mulcahy ? fit la voix de Horse Egan, qui considérait toute espèce de ce qu’il appelait « du grabuge » comme le comble de la félicité.

Au lieu de répondre, Dan se dirigea, à pas de loup et par longues enjambées, vers la salle du mess, où les hommes le suivirent. La salle était vide. Dans un coin, engainé tel le parapluie d’État du roi de Dahomey, se dressait l’étendard du régiment. Dan le souleva amoureusement et déploya à la lumière des bougies ces fastes des Mavericks, tachés, usés et lacérés. Partout le satin blanc était assombri de larges taches brunes, les fils d’or surmontant la harpe couronnée étaient effrangés et pâlis, et le Taureau Rouge, le totem des Mavericks, avait passé à la couleur du café au lait. Les plis raides de broderie, dont le prix est la vie humaine, s’abaissèrent lentement avec un froissis. Les Mavericks gardent longtemps leurs drapeaux et les conservent comme un objet très sacré.

— Vittoria, Salamanque, Toulouse, Waterloo, Moodkee, Firouzschah et Sobraon — qui fut combattu tout près d’ici, contre ces mêmes individus auxquels il voudrait que nous nous joignions. Inkermann, l’Alma, Sébastopol ! que sont ces petites affaires-là comparées aux campagnes du général Mulcahy ? La Grande Révolte, songez-y ; la Grande Révolte, et quelques sales petites machines en Af-