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quiquern

que le spectre d’un gigantesque chien édenté, sans poil sur le corps, qui habite, dit-on, l’extrême Nord, et qu’on voit errer dans le pays avant qu’il arrive des choses. Ces événements peuvent être bons ou mauvais, mais les sorciers eux-mêmes ne se soucient guère de parler de Quiquern. Il rend les chiens fous. Comme l’Ours Fantôme il a plusieurs paires de pattes d’extra — six ou huit — et la Chose qu’ils voyaient sauter de haut en bas dans la brume avait plus de jambes que nul chien de chair et d’os n’en a besoin.

Kotuko et la jeune fille se blottirent en hâte dans leur hutte. Sans doute si Quiquern en eût voulu à leurs personnes, il eût pu la mettre en miettes sur leurs têtes. Mais l’idée seule d’un pied de neige entre eux et l’obscurité inquiétante leur était d’un grand réconfort. La tempête éclata dans un cri strident du vent, pareil au sifflet d’un train, et elle tint bon trois jours et trois nuits, sans varier d’un point de compas, sans mollir une minute. Ils alimentèrent la lampe de pierre entre leurs genoux, grignotèrent la chair de phoque tiédie, et regardèrent la suie noire s’amasser au plafond, pendant soixante-douze interminables heures. La jeune fille fit le compte des vivres dans le traîneau : il n’en