Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/138

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hurlement qu’on pouvait entendre d’un bout de la garnison à l’autre.

« — Je suis mort, je suis massacré, je suis aveugle ! qu’il disait. Que les saints aient pitié de mon âme pécheresse ! Allez chercher le Père Constant ! Oh ! allez chercher le Père Constant, afin que je m’en aille purifié !

« Je compris par là qu’il n’était pas aussi mort que j’aurais pu le souhaiter.

« D’une main aussi ferme qu’un socle, O’Hara vous empoigne la lampe de la véranda.

« — Quel damné tour de salauds avez-vous joué là ? qu’il dit.

« Et il dirige la lumière sur Tim Vulmea qui nageait dans le sang de la tête aux pieds. La culasse mobile s’était échappée sous une pleine charge de poudre — j’avais eu bien soin de mordre dans la douille pour la refermer après avoir enlevé la balle, afin qu’il y eût une résistance pour donner plus de force au recul — et elle avait déchiré la figure de Tim depuis la lèvre jusqu’au coin de l’œil droit, mis la paupière en lambeaux, et continué en travers du front jusqu’aux cheveux. Cela faisait plutôt un sillon de charrue, si vous me comprenez, qu’une coupure nette ; et jamais je n’ai vu personne saigner comme Vulmea. La boisson et la mangeaille qu’il avait absorbées faisaient jaillir le sang avec