Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/281

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La lettre de Dana Da était un chef-d’œuvre. Elle portait la signature de l’Anglais, et faisait allusion à des chats — à un « envoi » de chats. Rien qu’à voir l’aspect des mots sur le papier on en avait la chair de poule.

— Mais qu’avez-vous donc fait ? reprit l’Anglais. Je suis toujours aussi peu renseigné. Voulez-vous dire que vous pouvez en effet envoyer cet absurde « envoi » dont vous parlez ?

— Jugez-en par vous-même, fit Dana Da. Qu’est-ce que dit cette lettre ? D’ici peu, ils seront tous à mes pieds et aux vôtres, et moi — ô volupté ! — je serai dans la drogue et dans l’ivresse tout le long du jour.

Dana Da connaissait son monde.

Quand un homme qui a horreur des chats s’éveille au matin et découvre sur sa poitrine un petit chaton frétillant, ou qu’en mettant sa main dans sa poche de pardessus il y trouve à la place de ses gants un petit chaton à moitié mort, ou qu’en ouvrant sa malle il trouve un infâme chaton parmi ses chemises de soirée, ou que parti pour une longue course à cheval avec son imperméable roulé sur l’arçon de sa selle il en fasse tomber en le déployant un petit chaton piauleur, ou que dînant en ville il trouve sous sa chaise un petit chaton aveugle, ou que rentrant chez lui il trouve un chaton qui se