Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/44

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« Je me penchai et fis semblant d’écouter.

« — Il dit qu’il s’appelle Jungi, monsieur, que je dis.

« — Tenez mon cheval, dit le capitaine à son ordonnance.

« Et là-dessus il saute à terre, cravache au poing, et tombe sur Jungi, entièrement fou de rage et jurant comme un forban qu’il était.

« Je crus, au bout d’un moment, qu’il allait tuer l’homme, aussi je lui dis :

« — Arrêtez, monsieur, ou vous allez l’assommer !

« Cela attira sur moi toute sa fougue, et il me maudit en long et en large. Je restai au garde-à-vous et saluai.

« — Monsieur, que je dis, si chacun dans ce monde recevait ce qu’il mérite, je pense qu’il y en aurait plus d’un mis en marmelade pour l’histoire de cette nuit… laquelle n’a pas réussi du tout, comme vous le voyez, monsieur.

« Ça y est ! que je pense en moi-même. Térence Mulvaney, tu viens de te couper la gorge, car il va te frapper, et toi tu vas taper dessus pour le bien de son âme et pour ton malheur éternel ! »

« Mais le capitaine ne prononça pas un mot. Il ravala sa colère, puis monta dans sa charrette sans me dire bonsoir, et je m’en retournai à la caserne.