Page:Klumpke - Rosa Bonheur sa vie, son œuvre, 1909.djvu/440

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Je donne et lègue à ma filleule, Mlle Rosa Justin Mathieu, et à sa sœur Jenny, ouvrière fleuriste, demeurant ensemble actuellement 36, rue des Vinaigriers, Paris, une rente annuelle et viagère de douze cents francs, sans réduction au décès de la prémourante. Cette rente sera servie à Mlle Rosa Justin Mathieu et à sa sœur par ma légataire universelle, de trois mois en trois mois, et les arrérages encourrant du jour de mon décès ; cette rente est ainsi donnée par moi aux filles d’un ami d’enfance de mon père.

Je donne et lègue à Céline, femme Étienne Ray, ma domestique, si elle est encore à mon service au jour de mon décès, une rente annuelle et viagère de huit cents francs qui lui sera servie par ma légataire universelle, de trois mois en trois mois. Je ne laisse pas davantage à ma domestique Céline Étienne Ray, l’ayant toujours largement payée (cent soixante-dix francs par mois depuis vingt-cinq ans).

Ces deux rentes sont prises sur le capital et les rentes laissés et accumulés, placés par moi entre les mains de MM. Tedesco Frères, marchands de tableaux, actuellement 33, avenue de l’Opéra, Paris, et qui ont bien voulu se charger du soin de mes affaires, et de faire valoir mes capitaux.

Les comptes sont réglés deux fois par an devant mon notaire de Moret-sur-Loing (Seine-et-Marne), et portés sur deux livres, dont un est entre mes mains et l’autre chez MM. Tedesco Frères. Les MessieursTedesco Frères auront à mon décès à rendre compte de tous mes titres et capitaux confiés à leurs bons soins et amitié, à ma légataire, Mlle Anna-Elizabeth Klumpke. J’entends que les deux legs particuliers que j’ai faits par le présent testament soient délivrés francs et quittes de tous frais de succession.

Je déclare ici à ceux qui m’ont jugée très riche, que n’ayant pas assez de fortune à distribuer à ma famille pour laquelle j’ai fait de mon mieux avant et après la mort de mon père, j’ai jugé que j’avais le droit, ne devant rien à personne, de proposer à Mlle Anna-Elizabeth Klumpke, ayant la même profession que moi, ayant par elle-même une position très honorable, ainsi que sa famille, de partager ma vie et de rester avec moi en la compensant et la garantissant, puisque pour vivre avec moi elle sacrifiait sa position personnelle déjà créée par elle-même, et partageait avec moi les frais et les améliorations de ma propriété et maison ; ce testament est un devoir d’honneur pour moi, et tous les honnêtes gens seront de mon avis, ainsi que mes véritables amis.

En cas de prédécès de Mlle Anna-Elizabeth Klumpke, j’institue pour mes légataires universelles à sa place conjointement ses sœurs.

Suivant mon désir et celui de mon amie Mlle Anna-Elizabeth Klumpke, elle sera, après son décès, inhumée dans le même caveau qui m’appartient, au Père Lachaise, et légué à moi par mon amie Mlle Nathalie Micas.

Maintenant je dois remercier Dieu de la vie heureuse et exceptionnelle qu’il m’a accordée et de la protection en ce monde que j’attribue à l’âme de ma chère mère.


—Rosa Bonheur
Fait à Paris le 9 novembre 1898