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excroissance pathologique du caractère sexuel viril dans ses particularités psychiques, le masochisme est plutôt une excroissance morbide des particularités psychiques propres à la femme.

Il existe sans doute aussi des cas très fréquents de masochisme chez l’homme ; ce sont ceux qui deviennent pour la plupart apparents et remplissent presque à eux seuls toute la casuistique. Nous en avons donné les raisons plus haut.

Tout d’abord, à l’état d’excitation voluptueuse, chaque impression exercée sur l’excité par la personne qui est le point de départ du charme sexuel, vient indépendamment du genre de cette impression.

C’est encore une chose tout à fait normale que des tapes légères et de petits coups de poing soient considérés comme des caresses[1].

Like the lovers pinch wich hurts and is desired.[ws 1]
(Shakespeare, Antonius and Cleopatra.)

De là il n’y a pas loin à conclure que le désir d’éprouver une très forte impression de la part du consors amène, dans le cas d’une accentuation pathologique de l’ardeur amoureuse, à l’envie de recevoir des coups, la douleur étant toujours un moyen facile pour produire une forte impression physique. De même que, dans le sadisme, la passion sexuelle aboutit à une exaltation dans laquelle l’excès de l’émotion psychomotrice déborde dans les sphères voisines, il se produit de même, dans le masochisme, une extase dans laquelle la marée montante d’un seul sentiment engloutit avidement toute impression venant de la personne aimée et la noie dans la volupté.

La seconde cause, la plus puissante du masochisme, doit

  1. Comme le pinçon d’un amant, qui blesse et qu’on désire encore.


  1. Nous trouvons des faits analogues chez les animaux inférieurs. Les chenilles du poumon (Pulmonata Cuv.) possèdent une soi-disant « flèche d’amour », baguette de chaux pointue qui se trouve dans une pochette particulière de leur corps et qu’elles font sortir au moment de l’accouplement. C’est un organe d’excitation sexuelle qui, d’après sa constitution, doit être un excitant douloureux.