Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/289

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Le mariage fait alors, en dehors du moment du coït où l’homme doit se sentir comme couvert, l’effet de la cohabitation de deux femmes dont l’une se sent déguisée en homme. Quand le molimen[ws 1] périodique ne se manifeste pas, on éprouve le sentiment de la grossesse ou de la saturation sexuelle, qu’ordinairement l’homme ne connaît pas, mais qui accapare toute l’individualité aussi bien que chez la femme, à cette différence près qu’il est désagréable, de sorte qu’on aimerait mieux supporter le molimen régulier. Quand il se produit des rêves ou des idées érotiques, on se voit dans la forme qu’on aurait si l’on était femme ; on voit des membres en érection qui se présentent, et comme par derrière aussi on se sent femme, il ne serait pas difficile de devenir cynède ; seule l’interdiction positive de la religion nous en empêche, toutes les autres considérations s’évanouiraient.

Comme de pareils états doivent forcément répugner à tout le monde, on désire être de sexe neutre ou pouvoir se faire neutraliser. Si j’étais encore célibataire, il y a longtemps que je me serais débarrassé de mes testicules avec le scrotum et le pénis.

À quoi sert la sensation de jouissance féminine, quand on ne conçoit pas ? À quoi bon les émotions de l’amour féminin quand pour les satisfaire on n’a à sa disposition qu’une femme, bien qu’elle nous fasse sentir comme homme l’accouplement ?

Quelle honte terrible nous cause l’odeur féminine ! Combien l’homme est abaissé par la joie que lui causent les robes et les bijoux ! Dans sa métamorphose, quand même il ne pourrait plus se souvenir de son ancien instinct génital masculin, il voudrait n’être pas forcé de se sentir femme ; il sait très bien qu’il y eut une époque où il ne sentait pas toujours sexuellement qu’il était simplement un homme sans sexe. Et voilà que tout d’un coup il doit considérer toute son individualité comme un masque, se sentir toujours femme et n’avoir de changement que toutes les quatre semaines, quand il a ses malaises périodiques et entre temps sa lubricité féminine qu’il ne peut pas satisfaire ! S’il lui était permis de s’éveiller sans être obligé de se sentir immédiatement femme ! À la fin il languit après le moment où il pourra lever son masque ; le moment n’arrive pas. Il ne peut trouver un soulagement à sa misère que lorsqu’il peut revêtir en partie le caractère féminin, en mettant un bijou, une jupe ; car il ne peut pas sortir habillé en femme ; ce n’est pas une petite tâche que de remplir ses devoirs professionnels pendant qu’on se sent comme une actrice déguisée en homme, et qu’on ne sait pas où tout cela

  1. signes de la menstruation