Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/34

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À Binet revient le grand mérite d’avoir approfondi l’étude et l’analyse de ce fétichisme en amour. Il fait naître des sympathies spéciales. Ainsi l’un se sent attiré par une taille élancée, un autre par une taille épaisse ; l’un aime la brune, l’autre la blonde. Pour l’un, c’est l’expression particulière de l’œil ; pour l’autre, le timbre de la voix, ou une odeur particulière, même artificielle (parfums), ou la main, ou le pied, ou l’oreille, etc., qui forment le charme fétichique individuel, et sont pour ainsi dire le point de départ d’une série compliquée de processus de l’âme dont l’expression totale est l’amour, c’est-à-dire le désir de posséder physiquement et moralement l’objet aimé.

À ce propos il convient de rappeler une condition essentielle pour la constatation de l’existence du fétichisme encore à l’état physiologique.

Le fétiche peut conserver d’une manière durable sa vertu sans qu’il soit pour cela un fétiche pathologique. Mais ce cas n’existe que quand l’idée de fraction va jusqu’à la représentation de l’ensemble et que l’amour provoqué par le fétiche finit par embrasser comme objet l’ensemble de la personnalité physique et morale.

L’amour normal ne peut être qu’une synthèse, une généralisation. Ludwig Brunn (Deutsches Montagsblatt, Berlin, 20.08.1888) dit très spirituellement dans son étude sur Le fétichisme en amour :

« L’amour normal nous paraît comme une symphonie qui se compose de toutes sortes de notes. Il en résulte les excitations les plus diverses. Il est pour ainsi dire polythéiste. Le fétichisme ne connaît que la note d’un seul instrument ; il est la résultante d’une seule excitation déterminée : il est monothéiste. »

Quiconque a quelque peu réfléchi sur ce sujet, reconnaîtra qu’on ne peut parler de véritable amour – (on n’abuse que trop souvent de ce mot) – que lorsque la totalité de la personne physique et morale forme l’objet de l’adoration.