Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/340

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me sens déprimé, j’ai parfois des maux de tête (surtout après avoir refoulé les érections) ; cette nervosité va souvent jusqu’à une agitation violente que je cherche alors à apaiser par le coït.

Un changement essentiel dans ma vie sexuelle s’est opéré l’année passée, quand j’eus pour la première fois l’occasion de goûter à l’amour des hommes. Malgré le coït avec les femmes, qui me faisait plaisir – (à vrai dire c’étaient les baisers qui me faisaient plaisir et provoquaient l’éjaculation), – mon penchant pour les jeunes gens ne me laissait pas tranquille. Je résolus d’aller dans un lupanar fréquenté par beaucoup de militaires et de me payer un soldat en cas extrême. J’eus la chance de tomber bientôt sur un individu qui pensait comme moi et qui, malgré la très grande infériorité de sa position sociale, n’était pas indigne de moi ni par ses manières, ni par son caractère. Ce que j’éprouvai pour ce jeune homme – (et je l’éprouve encore),  – c’est bien autre chose que ce que j’éprouve pour les femmes. La jouissance sensuelle n’est pas plus grande que celle que me procurent les prostituées, dont l’accolade et les baisers m’excitent beaucoup ; avec lui je peux toujours éprouver une sensation de volupté et j’ai pour lui un sentiment que je n’ai pas pour les femmes. Malheureusement, je n’ai pu l’embrasser qu’à huit reprises différentes.

Bien que nous soyons séparés l’un de l’autre depuis plusieurs mois déjà, nous ne nous sommes pas oubliés et nous entretenons une correspondance très suivie. Pour le posséder, j’osai aller dans un lupanar, l’embrasser dans cet endroit, au risque d’être trahi.

Au début de notre liaison, il y eut une période pendant laquelle je n’entendis plus parler de lui ; il ne me croyait pas digne d’assez de confiance.

Pendant ces semaines, j’ai souffert de chagrins et de peines qui m’ont mis dans un état de dépression et d’inquiétude anxieuse comme je n’en avais jamais éprouvé auparavant. Avoir à peine trouvé un amant et être déjà obligé de renoncer à lui, voilà ce qui me paraissait le tourment le plus affreux. Quand, grâce à mes efforts, nous nous retrouvâmes, ma joie fut immense, j’étais même tellement excité, qu’à la première accolade, après son retour, je ne pus arriver à l’éjaculation, malgré mon plaisir sensuel.

Usus sexualis in osculis et amplexionibus solis constitit, pene meo ludere ei licebat (dum ferre non possum mulierem penem manu tangere neque mulieri tangere cum concedo)[ws 1]. Il est à remarquer d’ailleurs qu’en présence du bien-aimé j’ai immédiatement une érection

  1. d’ordinaire, nos jeux sexuels consistent seulement en enlacements et en baisers ; il s’est permis de jouer avec mon pénis (alors que je reconnais ne pouvoir supporter la main d’une femme sur mon sexe, ni de toucher le sien)