Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/406

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autres hommes. Par contre, ma démarche est féminine, surtout quand je presse le pas ; elle est un peu dandinante ; les mouvements sont anguleux, peu harmonieux et manquent de tout charme viril. La voix n’est ni féminine ni aiguë, mais plutôt d’un timbre de baryton.

Tel est mon habitus[ws 1] extérieur.

Je ne fume ni ne bois pas ; je ne puis ni siffler, ni monter à cheval, ni faire de la gymnastique, ni tirer de l’épée, ni au pistolet non plus ; je ne m’intéresse pas du tout aux chevaux ni aux chiens ; je n’ai jamais eu entre les mains ni un fusil ni une épée. Dans mes sentiments intimes et dans mes désirs sexuels, je suis parfaitement femme. Sans aucune instruction bien solide – je n’ai passé que cinq années au lycée – je suis pourtant intelligent ; j’aime à lire de bons ouvrages bien écrits ; je dispose d’un jugement sain, mais je me laisse toujours entraîner par l’état d’esprit du moment ; qui connaît mon faible et sait en profiter, peut me manier et me persuader facilement. Je prends toujours des résolutions sans trouver jamais l’énergie de les mettre à exécution. Comme les femmes, je suis capricieux et nerveux, irrité souvent sans aucune raison, parfois méchant contre des personnes dont la figure ne me va pas ou contre lesquelles j’ai de la rancune ; je suis alors arrogant, injuste, souvent blessant et insolent.

Dans tous mes actes et gestes je suis superficiel, souvent léger ; je ne connais aucun sentiment moral profond, et j’ai peu de tendresse pour mes parents, mes sœurs et mes frères. Je ne suis pas égoïste ; à l’occasion je suis même capable de faire des sacrifices ; je ne puis jamais résister aux larmes, et, comme les femmes, on peut me gagner par une prévenance aimable ou par des prières instantes.

Déjà, dans ma tendre enfance, je fuyais les jeux de guerre, les exercices de gymnastique, les bagarres de mes camarades masculins ; je me trouvais toujours dans la compagnie des petites filles avec lesquelles je sympathisais plus qu’avec les garçons ; j’étais timide, embarrassé, et je rougissais souvent. Déjà à l’âge de douze à treize ans, j’éprouvais des serrements de cœur étranges à la vue de l’uniforme collant d’un joli militaire ; les années suivantes, pendant que mes camarades d’école parlaient toujours de filles et commençaient même de petites amourettes, j’étais capable de suivre pendant des heures un homme vigoureusement bâti avec des fesses bien développées et plantureuses, et je me grisais à cet aspect.

  1. manière d’être