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une brave femme et, depuis plusieurs années, père de famille heureux, présente un phénomène curieux dans le sens de l’inversion sexuelle.

L’histoire scandaleuse suivante fut divulguée un jour par l’indiscrétion d’une prostituée. X… se présentait environ tous les huit jours au lupanar, s’y costumait en femme ; à ce déguisement ne manquait jamais une perruque de femme. La toilette terminée, il se couchait sur un lit et se laissait masturber par une prostituée. Il préférait de beaucoup employer, s’il pouvait l’y décider, un individu masculin, l’homme de peine du lupanar. Le père de X… avait une tare héréditaire, fut à plusieurs reprises atteint d’aliénation mentale et hyperæsthesia et paræsthesia sexualis.


OBSERVATION 128. – C… R…, servante, vingt-six ans, souffre depuis l’âge de sa formation de paranoïa originaria[ws 1] et d’hystérie ; elle eut, à la suite de ses idées fixes, un passé romanesque et s’attira, en 1887, en Suisse, où elle s’était réfugiée par monomanie de la persécution, une instruction judiciaire. À cette occasion on constata qu’elle était atteinte d’inversion sexuelle.

On n’a aucun renseignement sur ses parents ni sur sa parenté. R… prétend que, sauf une inflammation des poumons qu’elle a eue à l’âge de seize ans, elle n’a jamais été gravement malade auparavant.

La première menstruation eut lieu sans malaises à l’âge de quinze ans ; plus tard les menses[ws 2] furent irrégulières et anormalement fortes. La malade affirme qu’elle n’a jamais eu de penchant pour les personnes de l’autre sexe, et jamais toléré qu’un homme s’approchât d’elle. Elle n’a jamais pu comprendre comment ses amies pouvaient parler de la beauté et de l’amabilité des personnes du sexe masculin. Elle ne peut pas comprendre non plus comment une femme peut se laisser embrasser par un homme. Par contre, elle fut transportée d’enthousiasme quand elle put poser un baiser sur les lèvres d’une amie bien aimée. Elle a pour les filles un amour qu’elle ne peut pas s’expliquer. Elle a aimé et embrassé avec extase quelques-unes de ses amies ; elle aurait été capable de leur sacrifier sa vie. Le comble de son plaisir aurait été de vivre avec une pareille amie et de la posséder seule et entièrement.

Elle se sent comme homme vis-à-vis de la fille aimée. Étant encore petite fille, elle n’avait de goût que pour les jeux des garçons ; elle aimait surtout entendre les décharges des fusils et la

  1. paranoïa infantile
  2. règles