Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/466

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tout à fait virile, a les parties génitales fortes et bien développées. La démarche, la voix et le maintien sont tout à fait virils. Il n’a pas de passions viriles bien prononcées. Il fume peu et seulement des cigarettes, boit très peu, aime les sucreries, la musique, les beaux-arts, l’élégance, les fleurs, et se meut de préférence dans les cercles de femmes ; il porte moustache, mais le reste de la figure est rasé. Sa mise n’a rien du gommeux. C’est un homme pâle, amolli, un flâneur et un propre à rien du grand monde, qu’il est difficile de sortir du lit avant l’heure de midi. Il prétend n’avoir jamais senti le caractère morbide de son penchant pour son propre sexe. Il croit que cette disposition est congénitale ; il voudrait, assagi par de fâcheuses expériences, se délivrer de sa funeste perversion ; mais il n’a guère confiance en sa force morale. Il a déjà essayé, mais alors il tombe toujours dans le vice de la masturbation qu’il trouve nuisible, car elle lui cause des malaises neurasthéniques (pas trop graves d’ailleurs). Il n’y a pas chez lui de défectuosités morales. L’intelligence est un peu au-dessous de la moyenne. Il a une éducation soignée et des manières aristocratiques. L’œil un peu névropathique dénote la constitution nerveuse de l’individu. Le malade n’est pas un uraniste complet et condamné. Il a des sentiments hétérosexuels, mais ses émotions sensuelles pour le beau sexe ne se manifestent que rarement et à un degré très faible. À l’âge de dix-neuf ans, il fut pour la première fois amené par des amis dans un lupanar. Il n’éprouva pas d’horror feminæ[ws 1], il eut une érection suffisante et fit le coït avec quelque plaisir, mais sans cette volupté intense qu’il éprouve entre les bras d’un homme.

Depuis, dit le malade, il a encore coïté six fois, deux fois sua sponte[ws 2]. Il affirme qu’il en a toujours l’occasion, mais qu’il ne le fait que faute de mieux, quand l’impulsion sexuelle le tourmente trop ; enfin que le coït ainsi que la masturbation lui servent de faible compensation pour remplacer l’amour homosexuel. Il a même déjà pensé à la possibilité de trouver une femme sympathique et de l’épouser. Il est vrai qu’il considérerait les rapports conjugaux et l’abstinence définitive des hommes comme des devoirs très durs.

Comme il y avait là des rudiments de sentiment hétérosexuel et que le cas ne pouvait être considéré comme désespéré, un essai thérapeutique me sembla opportun. Les indications étaient très claires, mais on ne pouvait compter sur la volonté de ce malade amolli, qui n’avait nullement la conscience nette de sa

  1. aversion pour la femme
  2. spontanément