Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/566

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donc sur lui-même. Confie-t-il à son professeur ou à ses parents ce qui l’émeut, on lui représente comme criminel ce mouvement qui lui paraît aussi naturel que la natation pour le poisson : et on lui dit qu’il faut combattre et supprimer à tout prix ce penchant. Voilà que commence une lutte intérieure, une suppression violente de l’instinct sexuel ; et plus on en supprime la satisfaction naturelle, plus l’imagination s’échauffe et travaille, plus elle fait surgir, comme par enchantement, précisément ces images qu’on voudrait bannir. Plus le caractère qui soutient ce combat est énergique, plus le système nerveux doit fatalement en souffrir. C’est, à mon avis, cette suppression violente d’un instinct si profondément enraciné chez nous, qui développe les symptômes morbides que nous pouvons observer chez beaucoup d’uranistes, mais ces symptômes ne sont pas nécessairement en connexité avec les prédispositions uranistes.

Les uns continuent pendant une période plus ou moins longue ce combat intérieur, sans trêve, et finissent par s’user complètement ; les autres arrivent finalement à la conviction que cet instinct puissant qui leur est congénital ne peut pas être un péché ; ils cessent de tenter l’impossible, c’est-à-dire la suppression de leur penchant. Mais alors commence en réalité une série de souffrances et d’excitations permanentes. Le Dioning[ws 1], quand il cherche la satisfaction de son instinct génital, sait toujours la trouver facilement ; tel n’est pas le cas de l’Urning[ws 2]. Il voit des hommes qui le charment, mais il ne lui est pas permis d’en rien dire, pas même de laisser voir ce qui l’émeut. Il croit que lui seul au monde a ces sentiments anormaux. Naturellement, il recherche la compagnie des jeunes gens, mais il n’ose pas se confier à eux. Ainsi il est amené à se procurer une compensation de la satisfaction qu’il ne peut pas obtenir. L’onanisme est pratiqué sur une vaste échelle, et toutes les conséquences de ce vice se font bientôt sentir. Si alors, après un certain laps de temps, il se produit un délabrement du système nerveux, le phénomène morbide n’est pas occasionné par l’uranisme même, mais il a pris naissance parce que, par suite de l’opinion régnante à notre époque, l’uraniste n’a pu trouver la satisfaction sexuelle qui lui est normale et naturelle, et que, par conséquent, il a dû tomber dans l’onanisme.

Admettons que l’uraniste a eu la chance rare de rencontrer une âme qui sente comme lui, ou qu’il a été renseigné par un ami expérimenté sur les choses du monde uraniste ; bien des combats intérieurs lui sont épargnés, mais une longue série de soucis

  1. l’hétérosexuel
  2. l’homosexuel