Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/575

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Al. est complètement abattue. Elle perd le sommeil, ne prend que peu de nourriture et à contre-cœur ; elle est apathique, distraite (elle met sur les comptes de ménage le nom de son amante au lieu du sien). Elle cache la bague et les autres reliques d’amour, entre autres un dé de Fr. qu’elle avait rempli du sang de l’amie, dans un coin de la cuisine où elle passe des heures entières en contemplant ces objets, tantôt riant, tantôt éclatant en sanglots.

Elle maigrit ; sa figure prend une expression craintive, les yeux ont « une lueur étrange et sinistre ». À cette époque, elle apprend la prochaine visite de Fr. à Memphis ; elle conçoit alors le projet de tuer Fr. puisqu’elle ne peut la posséder. Elle s’empare d’un rasoir de son père et le garde soigneusement.

Elle entame avec l’amoureux de Fr., en feignant de l’intérêt pour lui, une correspondance, afin de pouvoir jeter un coup d’œil dans leurs relations et pour se tenir au courant du développement que prendrait cette liaison.

Pendant le séjour de Fr. à Memphis, toutes les tentatives d’Al. pour se rapprocher d’elle ou entrer en correspondance avec elle, échouent. Elle guette Fr. dans la rue, tente une fois déjà d’exécuter son projet ; mais elle en est empêchée par un hasard. Ce n’est que le jour du départ de Fr. qu’elle réussit à s’approcher d’elle sur la route qui va au paquebot.

Profondément froissée de ce que Fr., dans toute la route qu’elle suit dans une petite voiture à côté d’elle, n’a pas une parole pour elle, pas seulement un regard, Al. saute de sa voiture, attaque Fr. et lui porte un coup profond avec un rasoir. Battue et insultée par la sœur de Fr., elle entre dans une rage folle et coupe aveuglément la gorge de Fr. à coups de rasoir vigoureux et profonds ; une des blessures s’étend d’une oreille à l’autre. Pendant que tout le monde s’occupe autour de Fr., Al. part dans sa voiture à bride abattue et parcourt à tort et à travers la ville avant de rentrer à la maison. À peine rentrée, elle raconte à sa mère ce qu’elle vient de faire. Elle ne comprend pas ce que cet acte a d’horrible ; les blâmes, l’évocation des conséquences graves la laissent absolument froide et ne l’émeuvent pas ; c’est seulement lorsqu’elle apprend la mort et l’enterrement de Fr. qu’elle se rend compte de la perte de sa bien-aimée ; elle éclate en sanglots et en pleurs passionnés ; elle embrasse toutes les photographies qu’elle possède de Fr. et leur parle comme si Fr. vivait encore.