Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/101

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Commune, si elle accepte aujourd’hui volontiers l’idée du communisme anarchiste, tandis que les autres nations sont encore dans la période autoritaire ou constitutionnaliste (traversée en France avant 1848, ou bien même avant 1789), c’est parce que, à la fin du siècle dernier, elle a passé par les quatre années de la grande révolution.

Eh bien, rappelons-nous quel triste tableau offrait la France quelques années avant cette révolution, et quelle faible minorité étaient ceux qui rêvaient l’abolition de la royauté et de la féodalité.

Le paysan était plongé dans une misère et dans une ignorance dont il nous serait même difficile aujourd’hui de nous faire une idée. Perdus dans les villages, sans communications régulières, ne connaissant pas ce qui se passait à vingt lieues de distance, ces êtres courbés sous la charrue et enfermés dans des taudis empestés semblaient voués à un servage éternel. L’entente commune était impossible, et à la moindre insurrection, la troupe était là pour sabrer les insurgés, pour pendre les meneurs près de la fontaine, à une potence de dix-huit pieds de haut. C’est à peine si quelques obscurs propagandistes parcouraient les villages, soufflaient la haine contre les oppresseurs et réveillaient l’espérance chez les quelques rares individus qui osaient les écouter. C’est à peine si le paysan se hasardait à demander du pain et quelque diminution des impôts. Parcourez seulement les cahiers des villages pour vous en convaincre !

Quant à la bourgeoisie, ce qui la caractérisait, c’était surtout la lâcheté. Des individus isolés, très rares, se hasardaient parfois à attaquer le gouvernement et réveillaient l’esprit de révolte par tel acte