Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/162

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lument incultes ou sont transformés en parcs, pour que, l’automne venu, le seigneur puisse y faire des chasses monstres avec ses invités. Des milliers d’hommes pourraient trouver leur nourriture sur ces terres ! Le propriétaire n’en a cure, lui : Il ne sait pas où dépenser sa fortune : il se donne le plaisir d’avoir un parc de plusieurs lieues carrées, et il enlève cette terre à la culture.

D’immenses espaces, jadis cultivés, ont été transformés en vastes prairies pour l’élève du bétail et des moutons. Des milliers et des milliers de cultivateurs ont été « évincés », chassés par les seigneurs ; et leurs champs, qui nourrissaient le peuple, ont été transformés en prairies qui servent aujourd’hui à produire des bœufs, c’est-à-dire la viande, la nourriture des riches. La quantité de terre ensemencée va toujours en diminuant. En 1866, en 1869, l’Angleterre ensemençait de froment 1,600,000 hectares ; ce n’est plus que 1,200,000 hectares qu’elle ensemence aujourd’hui[1]. Il y a quinze ans, elle produisait 26 hectolitres par hectare, aujourd’hui elle ne produit que 22 hectolitres par hectare[2].

Même les fermiers qui cultivent des espaces de 50 à 100 hectares et au-delà, ces petits bourgeois cherchant à devenir seigneurs à leur tour et à se faire la vie douce avec le travail d’autrui, ceux-là même se ruinent aujourd’hui. Écrasés de rentes par la rapacité des seigneurs, ils ne peuvent plus améliorer leurs cultures et tenir tête à la concurrence de l’Amérique et de l’Australie ; les journaux, en effet, sont encom-

  1. Écrit en 1880.
  2. Voyez les chiffres donnés par le Times du 15 octobre 1880.