Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/172

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Cette grande masse ne compte pour rien dans les calculs des économistes. Pour nous, elle est tout. C’est elle qui fait le village ; le reste, ce ne sont que des accessoires : des champignons parasites s’accrochant à un vieux tronc de chêne.

Eh bien, c’est de ces paysans qu’on vient dire qu’ils

    de la moitié du territoire. C’est ce qui résulte également d’une étude des plus intéressantes sur la statistique internationale de 1873, publiée par M. Toubeau dans la Revue positive de juillet-août de 1882. D’après ce publiciste, près de quarante millions d’hectares sont entre les mains de propriétaires grands et moyens étrangers à l’agriculture. Des 10 millions restants 2 millions divisés en grandes fermes de 200 hectares en moyenne chacune, sont cultivés directement par ceux qui les possèdent, et 4 millions d’hectares se trouvent repartis entre 2 millions environ de paysans…

    « Mais c’est au-dessous de 5 hectares, de 2 surtout et même de 1 hectare que le morcellement s’accentue, se multiplie et qu’il prend ces proportions presque effrayantes. Les parcelles ne sont plus alors que des loques et des haillons, difficiles, sinon impossibles à cultiver, et qui appauvrissent ceux qui les possèdent plus qu’ils les enrichissent. De ces loques sortent, chaque année, par des licitations, quinze à dix-sept mille hectares, dont les prix de vente ne suffisent pas à couvrir les frais…

    « En fait sur nos 50 millions d’hectares, il n’y en a pas plus de 7, y compris 10,000 grandes fermes de 200 hectares chacune et les loques dont je parlais tout à l’heure, qui appartiennent à ceux qui les font valoir directement. Pour tout le reste, on peut dire qu’il n’a qu’un seul maître : l’oisif, le rentier, l’étranger.

    « Désastreuse pour l’agriculture, cette situation ne l’est pas moins pour la population : sur les 7 à 8 millions de travailleurs qui peuplent nos campagnes, déduction faite de 11 millions d’enfants et d’invalides, il n’y en a pas plus de 1,751,914 qui cultivent eux-mêmes et ne cultivent que leurs biens, c’est-à-dire qui possèdent assez pour vivre, sans être obligés de travailler sur d’autres terres que les leurs. — Pour tout le reste, fermiers, métayers ou journaliers, fussent-ils même propriétaires de quelques haillons, on peut dire qu’ils s’appellent du même nom : les prolétaires ;