Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/182

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mentaux et se laissant tromper par l’apparence de liberté et de bien-être que donnaient — disait-on — les constitutions anglaise et américaine, le peuple français s’empressa de se donner une constitution, puis des constitutions, qu’il changea souvent, qu’il varia à l’infini dans les détails, mais qui toutes furent basées sur ce principe : le gouvernement représentatif. Monarchie ou République, peu importe ! le peuple ne se gouverne pas lui-même : il est gouverné par des représentants plus ou moins bien choisis. Il proclamera sa souveraineté, mais s’empressera de l’abdiquer. Il élira, tant bien que mal, des députés qu’il surveillera ou ne surveillera pas, et ce seront ces députés qui se chargeront de régler l’immense diversité des intérêts entremêlés, des relations humaines si compliquées dans leur ensemble, sur toute la surface de la France !

Plus tard, tous les pays de l’Europe continentale font la même évolution. Tous renversent l’un après l’autre leurs monarchies absolues, et tous se lancent dans la voie du parlementarisme. Il n’y a pas jusqu’aux despotismes de l’Orient qui ne suivent la même route : la Bulgarie, la Turquie, la Serbie s’essaient au régime constitutionnel ; en Russie même on cherche à secouer le joug d’une camarilla pour le remplacer par le joug tempéré d’une assemblée de délégués.

Et, qui pis est, la France, inaugurant de nouvelles voies, retombe cependant toujours dans les mêmes errements. Le peuple dégoûté par une triste expérience de la monarchie constitutionnelle, la renverse-t-il un jour, il s’empresse le lendemain de réélire une assemblée dont il ne change que le nom et lui confie le soin de le gouverner… quitte à le vendre à