Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/186

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ditions voulues de liberté : il a fait aussi son chemin en France, en Allemagne. Mais le régime représentatif n’a pas changé : il est resté ce qu’il était du temps de Thierry et de Bentham ; le suffrage universel ne l’a pas amélioré, ses vices n’en sont devenus que plus criants. C’est pourquoi aujourd’hui ce ne sont plus seulement des révolutionnaires comme Proudhon qui l’accablent de leur critique ; ce sont déjà les modérés, comme Mill[1], comme Spencer[2], qui crient : « Gare au parlementarisme ! » On a pu l’apprécier dans le grand public, et en se basant sur des faits généralement connus et reconnus, on pourrait faire en ce moment des volumes sur ses inconvénients, sûr de trouver écho dans la grande masse des lecteurs. Le gouvernement représentatif a été jugé — et condamné.

Ses partisans — et il en a de bonne foi, s’il n’en a pas de bonne réflexion — ne manquent pas de faire valoir les services qui nous auraient été rendus, selon eux, par cette institution. À les entendre, c’est au régime représentatif que nous devons les libertés politiques que nous possédons aujourd’hui, inconnues jadis sous feu la monarchie absolue. Mais, n’est-ce pas prendre la cause pour l’effet que de raisonner ainsi, ou plutôt, l’un des deux effets simultanés pour la cause ?

Au fond, ce n’est pas le régime représentatif qui nous a donné, ni même garanti, les quelques libertés que nous avons conquises depuis un siècle. C’est le

  1. La Liberté ; le Gouvernement Représentatif.
  2. Introduction à l’étude de la Sociologie ; Principe de Sociologie ; divers Essais.