Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/192

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origine, le gouvernement a toujours été le protecteur du privilège contre ceux qui cherchaient à s’en affranchir. Le gouvernement représentatif en particulier a organisé la défense, avec la connivence du peuple, de tous les privilèges de la bourgeoisie commerçante et industrielle contre l’aristocratie d’une part, contre les exploités de l’autre — modeste, polie, bien élevée envers les uns, féroce contre les autres. C’est pourquoi la moindre des lois protectrices du travail, si anodine qu’elle soit, ne peut être arrachée à un parlement que par l’agitation insurrectionnelle. Qu’on se souvienne seulement des luttes qu’il a fallu soutenir, de l’agitation à laquelle il a fallu se livrer, pour obtenir des parlements anglais, du Conseil fédéral suisse, des Chambres françaises, quelques méchantes lois sur la limitation des heures de travail. Les premières de ce genre, votées en Angleterre, ne furent extorquées qu’en mettant des barils de poudre sous les machines.

D’ailleurs, dans les pays où l’aristocratie n’a pas encore été détrônée par une révolution, seigneurs et bourgeois s’entendent à merveille. — « Tu me reconnaîtras, seigneur, le droit de légiférer, et moi, je monterai la garde autour de ton château » — dit le bourgeois, et il monte cette garde, tant qu’il ne se sent pas menacé.

Il a fallu quarante ans d’une agitation qui, par moments, mettait le feu aux campagnes, pour décider le Parlement anglais à garantir au fermier le bénéfice des améliorations, par lui faites sur la terre qu’il tient à bail. Quant à la fameuse « loi agraire » votée pour l’Irlande, il a fallu — Gladstone l’avouait lui-même — que le pays se mît en insurrection générale, qu’il