Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/233

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autre courant d’habitudes et de coutumes. Le prêtre d’une part, — ce charlatan qui exploite la superstition et qui, après s’être affranchi lui-même de la peur du diable, la propage parmi les autres ; le guerrier d’autre part, ce rodomont qui pousse à l’invasion et au pillage des voisins pour en revenir chargé de butin et suivi d’esclaves, — tous deux, la main dans la main, parviennent à imposer aux sociétés primitives des coutumes avantageuses pour eux et qui tendent à perpétuer leur domination sur les masses. Profitant de l’indolence, de la peur, de l’inertie des foules et grâce à la répétition constante des mêmes actes, ils arrivent à établir en permanence des coutumes qui deviennent le point d’appui de leur domination.

Pour cela, ils exploitent d’abord l’esprit de routine qui est si développé chez l’homme et qui atteint un degré si frappant chez les enfants, les peuples sauvages aussi bien que chez les animaux. L’homme, surtout lorsqu’il est superstitieux, a toujours peur de changer quoi que ce soit à ce qui existe ; généralement il vénère ce qui est antique. — « Nos pères ont fait ainsi ; ils ont vécu tant bien que mal, ils vous ont élevés, ils n’ont pas été malheureux, faites de même ! » disent les vieillards aux jeunes gens, dès que ceux-ci veulent changer quelque chose. L’inconnu les effraie, ils préfèrent se cramponner au passé, lors même que ce passé représente la misère, l’oppression, l’esclavage. On peut même dire que, plus l’homme est malheureux, plus il craint de changer quoi que ce soit, de peur de devenir encore plus malheureux ; il faut qu’un rayon d’espoir et quelques heures de bien-être pénètrent dans sa triste cabane, pour qu’il commence