Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/258

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faire ? — De convoquer le peuple pour les élections, d’élire de suite un gouvernement, de lui confier l’œuvre que nous tous, que chacun de nous devrait faire de sa propre initiative !

C’est ce que fit Paris, après le 18 mars 1871. — « Je me souviendrai toujours — nous disait un ami — de ces beaux moments de la délivrance. J’étais descendu de ma haute chambre du quartier latin pour entrer dans cet immense club en plein vent qui remplissait les boulevards d’une extrémité à l’autre de Paris. Tous discutaient sur la chose publique ; toute préoccupation personnelle était oubliée : il ne s’agissait plus d’acheter ni de vendre ; tous étaient prêts à se lancer corps et âme vers l’avenir. Des bourgeois même, emportés par l’ardeur universelle, voyaient avec bonheur s’ouvrir le monde nouveau. « S’il faut faire la révolution sociale, et bien ! faisons-là : mettons tout en commun ; nous sommes prêts ! » Les éléments de la révolution étaient là : il ne s’agissait plus que de les mettre en œuvre. En rentrant le soir dans ma chambre, je me disais : « Que l’humanité est belle ! On ne la connaît pas, on l’a toujours calomniée ! » Puis vinrent les élections, les membres de la Commune furent nommés — et la puissance de dévouement, le zèle pour l’action s’éteignirent peu à peu. Chacun se remit à la besogne accoutumée en se disant : « Maintenant, nous avons un gouvernement honnête, laissons-le faire. »…. On sait ce qui s’en suivit.

Au lieu d’agir de soi-même, au lieu de marcher de l’avant, au lieu de se lancer hardiment vers un nouvel ordre de choses, le peuple, confiant en ses gouvernants, s’en remet à eux du soin de prendre l’initiative. Voilà la première conséquence — résultat fatal