Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/272

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encore moins avons-nous à compter sur lui pour l’œuvre de réorganisation qui doit suivre la démolition. Le changement économique qui résultera de la Révolution Sociale sera si immense et si profond, il devra altérer tellement toutes les relations basées aujourd’hui sur la propriété et l’échange, — qu’il est impossible, à un ou à quelques individus d’élaborer les formes sociales qui doivent naître dans la société future. Cette élaboration des formes sociales nouvelles ne peut se faire que par le travail collectif des masses. Pour satisfaire à l’immense variété des conditions et des besoins qui naîtront le jour où la propriété individuelle sera démolie, il faut la souplesse de l’esprit collectif du pays. Toute autorité extérieure ne sera qu’une entrave, qu’un empêchement à ce travail organique qui doit s’accomplir et, partant, une source de discorde et de haines.

Mais il est bien temps d’abandonner cette illusion, tant de fois démentie et tant de fois payée si cher, d’un gouvernement révolutionnaire. Il est temps de se dire une fois pour toutes et d’admettre cet axiome politique qu’un gouvernement ne peut pas être révolutionnaire. On nous parle de la Convention ; mais n’oublions pas que les quelques mesures d’un caractère tant soit peu révolutionnaire prises par la Convention, furent la sanction de faits accomplis par le peuple qui à ce moment marchait par-dessus la tête de tous les gouvernements. Comme l’a dit Victor Hugo dans son style imagé, Danton poussait Robespierre, Marat surveillait et poussait Danton, et Marat lui-même était poussé par Cimourdain, — cette personnification des clubs des « enragés » et des révoltés. Comme tous les gouvernements qui la précé-