Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/303

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de la cour, les dépenses folles, le Pacte de Famine — cette alliance des puissants avec les accapareurs de blé pour s’enrichir en affamant le peuple, — voilà le sujet de des pamphlets. Les folliculaires toujours sur la brèche et ne négligent aucune circonstance de la vie publique pour frapper l’ennemi. Pourvu qu’on parle en public de quelque fait, — le pamphlet et la feuille volante sont là pour le traiter sans gêne, à leur manière. Ils se prêtent mieux que le journal à ce genre d’agitation. Le journal est toute une entreprise, et l’on y regarde de près avant de le faire sombrer ; sa chute embarrasse souvent tout un parti. Le pamphlet et la feuille ne compromettent que l’auteur et l’imprimeur, — allez cherchez l’un et l’autre !…

Il est évident que les auteurs de ces écrits commencent, avant tout, par s’émanciper de la censure ; car, si on n’avait pas encore inventé ce joli petit instrument du jésuitisme contemporain, le procès de presse qui annihile toute liberté de l’écrivain révolutionnaire, — on avait, pour mettre en prison les auteurs et les imprimeurs, « la lettre de cachet », brutale, il est vrai, mais franche en tout cas.

C’est pourquoi les auteurs impriment leurs pamphlets, soit à Amsterdam, soit n’importe où, — « à cent lieues de la Bastille, sous l’arbre de la Liberté ». Aussi ne se gênent-ils pas pour frapper dur, et vilipender le roi, la reine et ses amants, les grands de la cour, les aristos. Avec la presse clandestine, la police avait beau perquisitionner chez les libraires, arrêter les colporteurs, — les auteurs inconnus échappaient aux poursuites et continuaient leur œuvre.