Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/312

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

coltes ou son gibier, soit pour l’exécuter ; et que de fois ne trouvait-on pas dans le château un cadavre percé d’un couteau, qui portait cette inscription : De la part des Jacques !

Un lourd équipage descendait le long d’une côte ravinée, amenant le seigneur dans son domaine. Mais deux passants, aidés du postillon, le garrottaient et le roulaient au fond du ravin, et dans sa poche on trouvait un papier disant : De la part des Jacques ! et ainsi de suite.

Ou bien, un jour, au croisement de deux routes, on apercevait une potence portant cette inscription : Si le seigneur ose percevoir les redevances, il sera pendu à cette potence. Quiconque osera les payer au seigneur, aura le même sort ! Et le paysan ne payait plus sans y être contraint par la maréchaussée, heureux au fond d’avoir trouvé un prétexte pour ne rien payer. Il sentait qu’il y avait une force occulte qui le soutenait, il s’habituait à l’idée de ne rien payer, de se révolter contre le seigneur, et bientôt, en effet, il ne payait plus et il arrachait au seigneur, par la menace, le refus de toutes les redevances.

Continuellement, on voyait dans les villages des placards annonçant que désormais il n’y aurait plus de redevances à payer, qu’il fallait brûler les châteaux et les terriers (cahiers de redevances), que le Conseil du Peuple venait de lancer un arrêt dans ce sens, etc.

— « Du pain ! Plus de redevances ni de taxes ! » voilà le mot d’ordre que l’on faisait courir dans les campagnes. Mot d’ordre compréhensible pour tous, allant droit au cœur de la mère dont les enfants n’avaient pas mangé depuis trois jours, allant droit au cerveau du paysan harcelé par la maréchaussée