Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/326

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La bourgeoisie comprend cela et se prépare à résister — par la violence, car elle ne connaît pas, ne veut pas connaître d’autres moyens. Elle est décidée à résister à outrance et à faire massacrer cent mille ouvriers, deux cent mille, s’il le faut, plus une cinquantaine de mille femmes et enfants, pour maintenir sa domination. Ce n’est pas, en effet, devant l’horreur du massacre qu’elle reculera. Elle l’a assez prouvé au champ de Mars en 1790, à Lyon en 1831, à Paris en 48 et 71. Pour sauver le capital et le droit à l’oisiveté et au vice tous les moyens sont bons pour ces gens-là.

Leur programme d’action est arrêté. — Pouvons-nous en dire autant du nôtre ?

Pour la bourgeoisie, le massacre est déjà tout un programme, pourvu qu’il y ait des soldats — français, allemands, turcs, peu importe — à qui le confier. Puisqu’elle ne cherche qu’à maintenir ce qui existe déjà, à prolonger le statu quo, ne serait-ce que pour quinze ans de plus — toute la question se réduit pour elle à une simple lutte armée. Tout autre se pose la question devant les travailleurs, puisqu’ils veulent précisément modifier l’ordre des choses existant ; le problème, pour eux, n’est plus si odieusement simple. Il se pose, au contraire, vaste, immense. La lutte sanglante, à laquelle nous devons être préparés tout aussi bien que la bourgeoisie, n’est cependant pour nous qu’un incident de la bataille que nous avons à livrer au capital. Cela ne nous amènerait à rien de terroriser la bourgeoisie et puis de laisser tout dans le même état. Notre but est bien autrement large, nos visées sont plus hautes.

Il s’agit, pour nous, d’abolir l’exploitation de