Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/43

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progrès ont été réalisés : l’homme du peuple n’est plus l’être privé de tous droits qu’il était autrefois. Le paysan français ne peut pas être fouetté dans les rues, comme il l’est encore en Russie. Dans les lieux publics, hors de son atelier, l’ouvrier, surtout dans les grandes villes, se considère l’égal de n’importe qui. Le travailleur français n’est plus enfin cet être dépourvu de tous droits humains, considéré jadis par l’aristocratie comme une bête de somme. Grâce aux révolutions, grâce au sang versé par le peuple, il a acquis certains droits personnels, dont nous ne voulons pas amoindrir la valeur.

Mais nous savons distinguer et nous disons qu’il y a droits et droits. Il y en a qui ont une valeur réelle, et il y en a qui n’en ont pas, — et ceux qui cherchent à les confondre ne font que tromper le peuple. Il y a des droits, comme, par exemple, l’égalité du manant et de l’aristo dans leurs relations privées, l’inviolabilité corporelle de l’homme, etc., qui ont été pris de haute lutte, et qui sont assez chers au peuple pour qu’il s’insurge si on venait à les violer. Et il y en a d’autres, comme le suffrage universel, la liberté de la presse, etc., pour lesquels le peuple est toujours resté froid, parce qu’il sent parfaitement que ces droits, qui servent si bien à défendre la bourgeoisie gouvernante contre les empiétements du pouvoir et de l’aristocratie, ne sont qu’un instrument entre les mains des classes dominantes pour maintenir leur pouvoir sur le peuple. Ces droits ne sont pas même des droits politiques réels, puisqu’ils ne sauvegardent rien pour la masse du peuple ; et si on les décore encore de ce nom pompeux, c’est parce que notre langage politique n’est qu’un jargon, élaboré par les