Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/113

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et, malgré la différence des races et les distances qui les séparent, leur mode de vie et leurs institutions sociales ont une ressemblance frappante. Aussi devons-nous les considérer comme des fragments des populations de la première époque post-glaciaire qui occupaient alors les zones aujourd’hui civilisées.

La première chose qui nous frappe dès que nous commençons à étudier les primitifs est la complexité de leur organisation des liens du mariage. Chez la plupart d’entre eux la famille, dans le sens que nous attribuons à ce mot, se trouve à peine en germe. Mais ce ne sont nullement de vagues agrégations d’hommes et de femmes s’unissant sans ordre selon leurs caprices momentanés. Tous ont une organisation déterminée qui a été décrite dans ses grandes lignes par Morgan sous le nom d’organisation par « gens » ou par clan[1].

  1. Bachofen, Das Mutterrecht, Stuttgart, 1861 ; Lewis H. Morgan, Ancient Society, or Researches in the Lines of Human Progress from Savagery through Barbarism to Civilization, New-York, 1877 ; J F. Mac-Lennan, Studies in Ancient History, première série ; nouvelle édition, 1886 ; 2e série, 1896 ; L. Fison et A.-W. Howitt, Kamilaroï and Kurnaï, Melbourne. Ces quatre écrivains — comme l’a fort bien remarqué Giraud Teulon — partant de faits différents et d’idées générales différentes, et suivant différentes méthodes, sont arrivés à la même conclusion. Nous devons à Bachofen la connaissance de la famille maternelle et de la succession maternelle ; à Morgan, le système de parenté malayen et touranien, et une esquisse très perspicace des principales phases de l’évolution humaine ; à Mac-Lennan la loi de l’exogénie ; et à Fison et Howitt les grandes lignes ou le schéma des sociétés conjugales en Australie. Tous les quatre aboutissent au même fait de l’origine tribale de la famille. Quand Bachofen attira le premier l’attention sur la famille maternelle, dans son ouvrage qui fit époque, et quand Morgan décrivit l’organisation par clans — tous les deux s’accordant à reconnaître l’extension presque générale de ces formes d’organisation et soutenant que les lois du mariage étaient la base même des progrès consécutifs de l’évolution humaine, — on les accusa d’exagération. Cependant les recherches les plus attentives poursuivies depuis par une phalange d’historiens du droit ancien, ont prouvé que toutes les races de l’humanité montrent