Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/115

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Elle pouvait être emmenée par lui dans une hutte séparée, après avoir payé un certain tribut au clan, et ainsi se constituait à l’intérieur de la gens la famille patriarcale séparée, dont l’apparition marquait une phase tout à fait nouvelle de la civilisation[1].

Or, si nous considérons que ce régime compliqué se développa parmi des hommes qui en étaient au point le plus bas de l’évolution que nous connaissions, et qu’il se maintint dans des sociétés qui ne subissaient aucune espèce d’autorité autre que l’opinion publique, nous voyons tout de suite combien les instincts sociaux doivent avoir été enracinés profondément dans la nature humaine, même à son stade le plus bas. Un sauvage qui est capable de vivre sous une telle organisation et de se soumettre librement à des règles qui heurtent constamment ses désirs personnels n’est certainement pas une bête dépourvue de principes éthiques et ne connaissant point de frein à ses passions. Mais ce fait devient encore plus frappant si l’on considère l’extrême antiquité de l’organisation du clan. On sait aujourd’hui que les Sémites primitifs, les Grecs d’Homère, les Romains préhistoriques, les Germains de Tacite, les premiers Celtes et les premiers Slavons ont tous eu leur période d’organisation par clans, très analogue à celle des Australiens, des Peaux-Rouges, des Esquimaux et des autres habitants de la « ceinture de sauvage».[2] Ainsi il nous faut admettre, soit que l’évolution des coutumes du mariage suivit la même

  1. Voir appendice VII.
  2. Pour les Sémites et les Aryens, voyez particulièrement La loi primitive (en russe) du professeur Masim Kovalevsky, Moscou, 1886 et 1887 ; aussi les conférences qu’il a faites à Stockholm et publiées en français (Tableau des origines de la famille et de la propriété, Stockholm, 1890) qui sont une admirable analyse de toute cette question. Comparez aussi A. Post, Die Geschlechts-genossenschaft der Urzeit, Oldenbourg, 1875.