Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/164

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tants était traité comme si lui-même avait infligé les blessures[1].

La procédure judiciaire était imbue du même esprit. Toute dispute était d’abord portée devant des médiateurs ou arbitres, et généralement ils la terminaient, l’arbitrage jouant un rôle très important dans les sociétés barbares. Mais si le cas était trop grave pour être terminé de cette façon, il venait devant l’assemblée de la commune, qui devait « trouver la sentence » et qui la prononçait sous une forme conditionnelle ; c’est-à-dire : « telle compensation était due, si le mal fait à un autre était prouvé » ; et le mal devait être prouvé ou nié par six ou douze personnes, confirmant ou niant le fait par serment. En cas de contradiction entre les deux séries de « conjurateurs », on avait recours à l’épreuve (par le duel, le feu, ou de toute autre façon). Une telle procédure, qui resta en vigueur pendant plus de deux mille ans, en dit assez long par elle-même ; elle montre combien étroits étaient les liens entre tous les membres de la commune. De plus, il n’y avait pas d’autre autorité pour appuyer les décisions de l’assemblée communale que sa propre autorité morale. La seule menace possible était la mise hors la loi du rebelle, mais cette menace même était réciproque. Un homme, mécontent de l’assemblée communale, pouvait déclarer qu’il abandonnait la tribu et passait à une autre tribu, — menace terrible, car elle appelait toutes sortes de malheurs sur la tribu qui s’était montrée injuste envers l’un de ses membres.[2] Une rébellion contre une décision juste de

  1. Ceci est du moins la loi des Kalmoucks, dont le droit coutumier montre la plus grande ressemblance avec les lois des Teutons, des vieux Slavons, etc.
  2. Cette habitude est encore en vigueur chez beaucoup de tribus africaines et autres.