Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/192

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idée qui s’était développée sous le régime de la tribu, se retrouve à travers l’histoire des institutions postérieures et, plus que les causes militaires ou économiques, cette idée devient la base sur laquelle se fonda l’autorité des rois et des seigneurs féodaux.

Ce fut une des principales préoccupations des communes villageoises barbares (de même que chez nos contemporains barbares) de mettre terme, aussi vite que possible, aux vengeances que suscitait la conception courante de la justice. Quand une querelle naissait, la commune intervenait immédiatement, et après que l’assemblée du peuple avait entendu l’affaire, elle fixait la compensation à payer à la personne lésée ou à sa famille (le wergeld) ; ainsi que le fred, ou amende pour la violation de la paix, qui devait être payée à la commune. Les querelles intérieures étaient aisément apaisées de cette façon. Mais quand, malgré toutes les mesures prises pour les prévenir, des dissensions éclataient entre deux différentes tribus, ou deux confédérations de tribus[1], la difficulté était de trouver un arbitre capable de formuler une sentence dont la décision fût acceptée par les deux parties, tant en raison de son impartialité que pour sa connaissance de la loi ancienne. Cette difficulté était d’autant plus grande que les lois coutumières des différentes tribus et confédérations variaient, quant à la compensation due selon les différents cas. Aussi prit-on l’habitude de choisir l’arbitre parmi certaines familles ou tribus, réputées pour avoir conservé la loi ancienne dans sa pureté et versées dans la connaissance des chants, triades, sagas, etc., au moyen desquels la loi se perpétuait dans les mémoires. Aussi, cette tradition de la loi devint une sorte d’art, un « mystère », soigneusement transmis dans

  1. Voyez sir Henry Maine, International Law, Londres, 1888.