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ou Canut) eut tué un homme de sa propre schola, la saga le représente convoquant ses camarades à un thing où il se tint à genoux implorant son pardon. On le lui accorda, mais pas avant qu’il eût promis de payer neuf fois la compensation d’usage, dont un tiers était pour lui-même pour compenser la perte d’un de ses hommes, un tiers aux parents de l’homme tué et un tiers (le fred) à la schola[1]. Il fallut un changement complet des conceptions courantes, sous la double influence de l’Église et des légistes versés en droit romain, pour qu’une idée de sainteté s’attachât à la personne du roi.

Nous serions entraînés hors des limites de cet essai si nous voulions suivre le développement graduel de l’autorité dont nous venons d’indiquer les éléments. Des historiens tels que Mr. et Mrs. Green pour l’Angleterre, Augustin Thierry, Michelet et Luchaire pour la France, Kaufmann, Jansen, W. Arnold et même Nitzsch pour l’Allemagne, Leo et Botta pour l’Italie, Biélaeff, Kostomaroff et leurs continuateurs pour la Russie et bien d’autres, ont suffisamment raconté cette histoire. Ils ont montré comment les populations, d’abord libres, avaient consenti à « nourrir » une partie de leurs défenseurs militaires, pour devenir peu à peu les serfs de ces protecteurs ; comment l’homme libre fut souvent réduit à la dure nécessité de devenir le « protégé » soit de l’Église, soit d’un seigneur ; comment chaque château de seigneurs ou d’évêques devint

    lombarde — comme le font remarquer Leo et Botta — pour protéger le roi contre la loi du talion. Le roi étant lui-même à ce moment l’exécuteur de ses sentences (comme le fut autrefois la tribu) il devait être protégé par une disposition spéciale d’autant plus que plusieurs rois lombards, avant Rothari, avaient été tués l’un après l’autre. (Leo et Botta, loc. cit., I, 66-90.)

  1. Kaufmann, Deutsche Geschichte, vol. I, « Die Germanen der Urzeit », p. 133.