Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/214

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Commune ! nom nouveau, nom détestable ! Par elle les censitaires (capite censi) sont affranchis de tout servage moyennant une simple redevance annuelle ; par elle ils ne sont condamnés, pour l’infraction aux lois, qu’à une amende légalement déterminée ; par elle, ils cessent d’être soumis aux autres charges pécuniaires dont les serfs sont accablés[1].


La même vague d’émancipation se répandit au XIIe siècle à travers tout le continent, entraînant à la fois les plus riches cités et les plus pauvres villes. Et si nous pouvons dire qu’en général les cités italiennes furent les premières à se libérer, nous ne pouvons désigner aucun centre d’où le mouvement se serait répandu. Très souvent un petit bourg de l’Europe centrale prenait l’initiative pour sa région, et de grandes agglomérations acceptaient la charte de la petite ville comme modèle pour la leur. Ainsi la charte d’une petite ville, Lorris, fut adoptée par quatre-vingt-trois villes dans le Sud-Ouest de la France ; celle de Beaumont devint le modèle de plus de cinq cents villes et cités en Belgique et en France. Des députés spéciaux étaient envoyés par les cités à leurs voisins pour obtenir une copie de leur charte, et la constitution de la commune était établie sur ce modèle. Toutefois, ils ne se copiaient pas simplement les uns les autres : ils réglaient leurs propres chartes selon les concessions qu’ils avaient obtenues de leurs seigneurs ; et le résultat était que les chartes des communes du moyen âge, comme le fait observer un historien, offrent la même variété que l’architecture gothique des églises et des cathédrales. On y trouve la même idée dominante, la cathédrale symbolisant l’union des paroisses

  1. Guilbert de Nogent, De vita sua, cité par Luchaire, loc. cit., p. 14.