Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/235

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guilde du moyen âge, comme la paroisse de cette époque, la « rue » ou le « quartier », n’était pas un corps de citoyens placé sous le contrôle des fonctionnaires de l’État ; c’était une union de tous les hommes qui s’occupaient d’un métier donné : acheteurs-jurés de matières premières, vendeurs de marchandises manufacturées, maîtres-ouvriers, compagnons et apprentis. Pour l’organisation intérieure de chaque métier, son assemblée était souveraine, tant qu’elle n’empiétait pas sur les autres guildes, auquel cas l’affaire était portée devant la guilde des guildes — la cité. Mais il y avait dans la guilde quelque chose de plus que tout cela. Elle avait sa propre juridiction, sa force armée, ses assemblées générales, ses traditions de luttes, de gloire et d’indépendance, ses relations directes avec les autres guildes du même métier dans les autres cités : c’était en un mot un organisme complet qui existait parce qu’il représentait un ensemble de fonctions vitales. Quand la ville prenait les armes, la guilde marchait en compagnie séparée (Schaar), armée de ses propres armes (voire, plus tard, de ses propres canons, amoureusement ornés par la guilde), commandée par ses propres chefs, élus par elle. C’était une unité aussi indépendante dans la fédération que la république d’Uri ou de Genève l’était il y a cinquante ans dans la confédération suisse. Il en résulte que

    quand ils écrivaient contre l’ingérence de l’État dans le commerce, et contre les monopoles crées par l’État. Malheureusement des continuateurs déplorablement superficiels mirent les guildes du moyen âge et l’ingérence de l’État dans le même sac, sans faire de distinction entre un édit de Versailles et une ordonnance de guilde. Il est à peine besoin de dire que les économistes qui ont sérieusement étudié ce sujet, comme Schönberg (l’auteur du cours bien connu d’Économie politique) ne tombent pas dans une erreur semblable. Mais, récemment encore, des confusions de ce genre passaient pour de la « science » économique.