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l’appropriation fut sanctionnée par un acte du Parlement. En Allemagne, en Autriche, en Belgique, la commune villageoise fut détruite aussi par l’État. Les cas où les propriétaires de biens communaux partagèrent eux-mêmes leurs terres sont rares[1], tandis que partout les États favorisèrent l’appropriation privée, ou bien contraignirent au partage. Le dernier coup porté à la propriété commune dans l’Europe centrale date aussi du milieu du XVIIIe siècle. En Autriche, le gouvernement eut recours en 1768 à la force brutale pour contraindre les communes à partager leurs terres, et une commission spéciale fut nommée deux ans plus tard à cet effet. En Prusse, Frédéric II, dans plusieurs de ses ordonnances (en 1752, 1763, 1765 et 1769) recommanda aux Justizcollegien de contraindre les paysans au partage. En Silésie on prit une décision spéciale dans le même but en 1771. La même chose eut lieu en Belgique, et comme les communes n’obéissaient pas, une loi fut promulguée en 1847 donnant pouvoir au gouvernement d’acheter les prairies communales pour les revendre en détail, et de procéder à une vente forcée de la terre communale dès qu’il se trouvait un acquéreur[2].

Bref, parler de la mort naturelle des communes villageoises « en vertu de lois économiques », est une aussi mauvaise plaisanterie que de parler de la mort naturelle des soldats qui tombent sur le champ de bataille. Le fait est que les communes villageoises se sont maintenues plus de mille ans, et que partout où les paysans ne furent pas ruinés par les guerres et les

  1. En Suisse, nous voyons un certain nombre de communes, ruinées par les guerres, qui ont perdu une partie de leurs terres, et qui s’efforcent maintenant de les racheter.
  2. A. Buchenberger, « Agrarwesen und Agrarpolitik » dans A. Wagner, Handbuch der politischen Oekonomie, 1892, vol. I, pp. 280 et suiv.