Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/310

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les ouvriers à renoncer à tout rapport avec les associations et à signer à cet effet le « Document ». Les membres de l’Union furent poursuivis en masse, en vertu de l’« Acte des Maîtres et Serviteurs », les ouvriers étant arrêtés sommairement et condamnés sur une simple plainte de mauvaise conduite déposée par le patron[1] . Les grèves furent supprimées d’une façon autocratique, et les plus étonnantes condamnations furent prononcées simplement pour avoir annoncé une grève, ou pour avoir agi comme délégué, — sans parler de la répression militaire des émeutes de grévistes, ni des condamnations qui suivaient les actes de violences devenus fréquents. Pratiquer l’entr’aide dans de telles circonstances n’était rien moins que facile. Et cependant, malgré tous les obstacles, dont notre génération peut à peine se faire une idée, la renaissance des associations commença de nouveau en 1841, et l’organisation des ouvriers se continua depuis avec persévérance. Après une longue lutte, qui dura plus de cent ans, le droit de s’associer fut conquis, et, à l’époque actuelle, près d’un quart des ouvriers régulièrement employés, c’est-à-dire environ 1.500.000, font partie de syndicats (trade unions)[2].

  1. Je parle ici d’après l’ouvrage de M. Webb qui est plein de documents confirmant ce qu’il expose.
  2. De grands changements se sont produits depuis 1840 dans l’attitude des classes riches envers les associations. Cependant, même vers 1860, les patrons se concertèrent pour un formidable effort tendant à écraser les unions par le renvoi en masse de populations entières. Jusqu’en 1869 le fait seul de consentir à une grève et l’annonce d’une grève par voie d’affiches, pour ne rien dire des rassemblements et réunions, furent souvent punis comme actes d’intimidation. Ce fut seulement en 1875 que fut abrogé l’acte des « Maîtres et Serviteurs », les rassemblements pacifiques furent permis, et les actes de « violence et d’intimidation » pendant les grèves tombèrent dans le domaine du droit commun. Cependant pendant la grève des ouvriers des docks, en 1887, on dut dépenser l’argent envoyé au secours des grévistes pour soutenir