Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/318

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gique de la Couronne (Votkinsk) à un artel d’ouvriers, ce fut un véritable succès.

Nous voyons ainsi en Russie comment la vieille institution du moyen âge, n’ayant pas été entravée par l’État dans ses manifestations non officielles, a entièrement survécu jusqu’à aujourd’hui, et revêt la plus grande variété de formes selon les besoins de l’industrie et du commerce modernes. Quant à la péninsule des Balkans, l’empire turc et le Caucase, les vieilles guildes y subsistent complètement. Les esnafs de Serbie ont entièrement conservé leur caractère du moyen âge ; ils comprennent à la fois les patrons et les artisans, ils règlent les métiers et sont des institutions d’entr’aide pour le travail et en cas de maladie[1], tandis que les amkari du Caucase, et particulièrement de Tiflis, joignent à ces fonctions une influence considérable dans la vie municipale[2].


A côté des associations de coopération, je devrais peut-être mentionner aussi les friendly societies anglaises, les clubs des Odd Fellows, les clubs organisés dans les villages et les villes pour payer le médecin, les clubs pour acheter des habits, ou pour les enterrements, les petits clubs, très fréquents parmi les ouvrières des manufactures, qui payent leur contribution de quelques sous par semaine, et ensuite tirent au sort la somme d’une livre sterling que l’on peut employer à quelque achat important, et beaucoup d’autres. Une somme assez considérable d’esprit social ou jovial anime ces sociétés et ces clubs, même si « le doit et avoir » de chaque membre est étroitement surveillé. Mais il y a tant

  1. British Consular Report, avril 1889.
  2. Une excellente étude sur ce sujet a été publiée en russe dans les Zapiski (Mémoires de la société géographique du Caucase vol. VI, 2, Tiflis, 1891), par C. Egiazaroff