Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/321

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mineurs ensevelis continuaient à se faire entendre : les hommes étaient donc vivants et appelaient au secours... Plusieurs mineurs s’offrirent comme volontaires pour travailler à tout risque, et pendant qu’ils descendaient dans la mine, leurs femmes les regardaient avec des larmes silencieuses, mais ne disaient pas un mot pour les arrêter.

C’est le fond de la psychologie humaine. A moins que les hommes soient affolés sur le champ de bataille, ils « ne peuvent pas y tenir », d’entendre appeler au secours et de ne pas répondre. Le héros s’élance ; et ce que fait le héros, tous sentent qu’ils auraient dû le faire aussi. Les sophismes du cerveau ne peuvent résister au sentiment d’entr’aide, parce que ce sentiment a été nourri par des milliers d’années de vie humaine sociale et des centaines de milliers d’années de vie pré-humaine en sociétés.

« Mais que dire de ces hommes qui se noyèrent dans la Serpentine[1], en présence d’une foule dont pas une personne ne bougea pour aller à leur secours ? » demandera-t-on, « Que dire de l’enfant qui tomba dans le canal de Regent’s Park[2] — aussi devant la foule du dimanche — et ne fut sauvé que par la présence d’esprit d’une servante qui lança un chien de Terre-Neuve à son secours ? » La réponse est assez facile : l’homme est un produit à la fois de ses instincts héréditaires et de son éducation. Parmi les mineurs et les marins les occupations communes et le contact de chaque jour les uns avec les autres créent un sentiment de solidarité en même temps que les dangers environnants entretiennent le courage et l’audace. Dans les

  1. Pièce d’eau dans Hyde-Park, à Londres. La glace avait cédé sous le poids des patineurs.
  2. Parc, à Londres.