Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/337

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avons été traités durement par cette maison, » montre qu’il y a aussi le traitement amical, opposé au dur traitement qui ne connaît que la loi ; et tout commerçant sait combien de maisons de commerce sont sauvées chaque année de la faillite par le soutien amical d’autres maisons.

Quant aux dons charitables, et à la somme de travail pour le bien-être général que fournissent volontairement tant de personnes aisées, tant d’ouvriers et tant d’hommes de la classe professionnelle (médecins, etc.), chacun connaît le rôle de ces deux catégories de bienfaisance dans la vie moderne. Si le désir d’acquérir de la notoriété, de la puissance politique, ou quelque distinction sociale gâte souvent le vrai caractère de cette sorte de bienfaisance, il n’est pas possible de douter que l’impulsion ne vienne dans la majorité des cas des mêmes sentiments d’entr’aide. Bien souvent les hommes qui ont acquis des richesses n’y trouvent pas la satisfaction qu’ils en attendaient. D’autres commencent à sentir que, quoique les économistes représentent la richesse comme une récompense du mérite, leur propre récompense est exagérée. La conscience de la solidarité humaine commence à se faire entendre ; et quoique la vie de la société soit organisée de façon à étouffer ce sentiment par mille moyens artificieux, il prend souvent le dessus ; beaucoup essayent alors de trouver une issue à ce besoin profondément humain en donnant leur fortune ou leurs forces à quelque chose qui selon leur idée aidera au bien-être général.


En résumé, ni le pouvoir écrasant de l’État centralisé, ni les enseignements de haine réciproque et de lutte sans pitié que donnèrent, en les ornant des attributs de la science, d’obligeants philosophes et sociologues, n’ont pu détruire le sentiment de solidarité