Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/342

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firma de nouveau dans une infinité d’associations qui tendent maintenant à englober toutes les manifestations de la vie sociale et à prendre possession de tout ce dont l’homme a besoin pour vivre et pour réparer les pertes causées par la vie.

On nous objectera probablement que l’entr’aide, bien qu’étant un des facteurs de l’évolution, ne représente cependant qu’un seul aspect des rapports humains ; qu’à côté de ce courant, quelque puissant qu’il soit, il existe et a toujours existé l’autre courant — l’affirmation du « moi » de l’individu. Et cette affirmation se manifeste, non seulement dans les efforts de l’individu pour atteindre une supériorité personnelle, ou une supériorité de caste, économique, politique ou spirituelle, mais aussi dans une fonction beaucoup plus importante quoique moins évidente : celle de briser les liens, toujours exposés à devenir trop immuables, que la tribu, la commune villageoise, la cité et l’État imposent à l’individu. En d’autres termes, il y a l’affirmation du « moi » de l’individu, envisagée comme un élément de progrès.

Il est évident qu’aucun exposé de l’évolution ne sera complet si l’on ne tient compte de ces deux courants dominants. Mais l’affirmation de l’individu ou d’un groupe d’individus, leurs luttes pour la supériorité et les conflits qui en résultent ont déjà été analysés, décrits et glorifiés de temps immémoriaux. En vérité, jusqu’à ce jour, ce courant seul a attiré l’attention du poète épique, de l’analyste, de l’historien et du sociologue. L’histoire, telle qu’elle a été écrite jusqu’à présent, n’est, pour ainsi dire, qu’une description des voies et moyens par lesquels la théocratie, le pouvoir militaire, l’autocratie et plus tard la ploutocratie ont été amenées, établies et maintenues. Les luttes entre ces différentes forces forment l’essence même de l’histoire. Nous pouvons donc admettre que l’on connaît déjà le