Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/141

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taire du pré, le possesseur de moutons, le marchand de laine et tous leurs intermédiaires, jusqu’aux compagnies de chemins de fer, aux filateurs et aux tisseurs, marchands de confection, vendeurs et commissionnaires, et vous vous ferez une idée de ce qui se paie pour chaque vêtement à toute une nuée de bourgeois. C’est pourquoi il est absolument impossible de dire combien de journées de travail représente un pardessus que vous payez cent francs dans un grand magasin de Paris.

Ce qui est certain, c’est qu’avec les machines actuelles, on parvient à fabriquer des quantités vraiment incroyables d’étoffes.

Quelques exemples suffiront. Ainsi aux États-Unis, dans 751 manufactures de coton (filage et tissage), 175,000 ouvriers et ouvrières produisent 1 milliard 939 millions 400,000 mètres de cotonnades, plus une très grande quantité de filés. Les cotonnades seules donneraient une moyenne dépassant 11,000 mètres en 300 journées de travail, de neuf heures et demie chacune, soit 40 mètres de cotonnades en dix heures. En admettant qu’une famille emploie 200 mètres par année, ce qui serait beaucoup, cela équivaudrait à cinquante heures de travail ; soit, dix demi-journées de cinq heures chacune. Et on aurait les filés en plus, — c’est-à-dire, du fil à coudre et du fil pour tramer le drap et fabriquer des étoffes de laine mélangées de coton.

Quant aux résultats obtenus par le tissage seul, la statistique officielle des États-Unis nous apprend que si, en 1870, un ouvrier travaillant 13 à 14 heures par jour, faisait 9500 mètres de cotonnade blanche par an, il en tissait, treize ans plus tard (1886), 27,000 mètres en ne travaillant que 55 heures par semaine.