Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/237

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duits s’échangent en proportion de la quantité de travail socialement nécessaire à leur production.

Mais nous savons aussi à quoi nous en tenir à ce sujet. Nous savons que si l’ingénieur, le savant et le docteur sont payés aujourd’hui dix ou cent fois plus que le travailleur, et que si le tisseur gagne trois fois plus que l’agriculteur et dix fois plus que l’ouvrière d’une fabrique d’allumettes, ce n’est pas en raison de leurs « frais de production ». C’est en raison d’un monopole d’éducation ou du monopole de l’industrie. L’ingénieur, le savant et le docteur exploitent tout bonnement un capital, — leur brevet, — comme le bourgeois exploite une usine, ou comme le noble exploitait ses titres de naissance.

Quant au patron qui paie l’ingénieur vingt fois plus que le travailleur, c’est en raison de ce calcul bien simple : si l’ingénieur peut lui économiser cent mille francs par an sur la production, il lui paye vingt mille francs. Et s’il voit un contre-maître, — habile à faire suer les ouvriers, — qui lui économise dix mille francs sur la main-d’œuvre, il s’empresse de lui donner deux ou trois mille francs par an. Il lâche un millier de francs en plus là où il compte en gagner dix, et c’est là l’essence du régime capitaliste. Il en est de même des différences entre les divers métiers manuels.


Qu’on ne vienne donc pas nous parler des « frais de production » que coûte la force de travail, et nous dire qu’un étudiant, qui a passé gaiement sa jeunesse à l’université, a droit à un salaire dix fois plus élevé que le fils du mineur qui s’est étiolé dans la mine dès l’âge de onze ans, ou qu’un tisserand a droit à un salaire