Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/309

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Que la campagne essaie seulement ! Les grandes villes se passeront alors de la campagne.

À quoi s’emploieront, en effet, ces centaines de mille de travailleurs qui s’asphyxient aujourd’hui dans les petits ateliers et les manufactures, le jour où ils reprendront leur liberté ? Continueront-ils, après la révolution comme avant, à s’enfermer dans les usines ? Continueront-ils à faire de la bimbeloterie de luxe pour l’exportation, alors qu’ils verront peut-être le blé s’épuiser, la viande devenir rare, les légumes disparaître sans être remplacés ?

Évidemment non ! Ils sortiront de la cité, ils iront, dans les champs ! Aidés de la machine qui permettra aux plus faibles d’entre nous de donner leur coup d’épaule, ils porteront là révolution dans la culture d’un passé esclave, comme ils l’auront portée dans les institutions et dans les idées.

Ici, des centaines d’hectares se couvriront de verre, et l’homme et la femme aux doigts délicats soigneront les jeunes plantes. Là, d’autres centaines d’hectares seront labourées au défonceur à vapeur, amendées par des engrais ou enrichies d’un sol artificiel obtenu par la pulvérisation de la roche. Les légions joyeuses de laboureurs d’occasion couvriront ces hectares de moissons, guidés dans leur travail et leurs expériences, en partie par ceux qui connaissent l’agriculture, mais surtout par l’esprit, grand et pratique, d’un peuple réveillé d’un long sommeil, et qu’éclaire et dirige ce phare lumineux — le bonheur de tous.

Et en deux ou trois mois, les récoltes hâtive viendront soulager les besoins les plus pressants et pourvoir à la nourriture d’un peuple qui, après tant de siècles d’attente, pourra enfin assouvir sa faim et manger à son appétit.