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bolition des octrois et des bureaux des « aides. » Puisque c’était fait à Paris, on pouvait bien le faire à Strasbourg. Vers les six heures, des masses « d’ouvriers armés de haches et de marteaux » s’avancèrent par trois rues, vers l’Hôtel-de-Ville. Ils en enfoncèrent les portes avec leurs haches, ils défoncèrent les caves et ils se mirent à détruire avec acharnement tous les vieux papiers entassés dans les bureaux. « Il a été exercé une fureur barbare sur les papiers : ils ont été tous jetés par les fenêtres » et détruits, écrit le nouveau Magistrat. Les doubles portes de toutes les archives furent enfoncées pour brûler les vieux documents, et dans sa haine du Magistrat le peuple brisait jusqu’aux meubles de l’Hôtel-de-Ville et les jetait dehors. La chambre des greffes, « le dépôt des masses en litige » eurent le même sort. Au bureau de perception des aides, les portes furent enfoncées et la recette pillée. La troupe postée en face de l’Hôtel de Ville ne put rien faire : le peuple faisait ce qu’il voulait.

Le Magistrat, saisi de terreur, s’empressa de diminuer les prix de la viande et du pain : il mit à douze sous la miche de six livres[1]. Puis il entra amicalement en pourparlers avec les vingt « tribus », ou guildes, de la cité pour élaborer une nouvelle constitution municipale. Il fallait se presser, puisque les émeutes continuaient à Strasbourg et dans les bailliages voisins, où le peuple destituait les prévôts « établis » des communes, et en nommait d’autres par sa volonté, tout en formulant

  1. Le sac de blé était alors à 19 livres. Les prix montèrent, fin août, jusqu’à 28 et 30 livres, si bien qu’il fut défendu aux boulangers de cuire des gâteaux, des pains au lait, etc.