Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/154

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lueur de libération prochaine, et pour cela, il ne se révoltait que de meilleur cœur. Mais il ne suffit pas d’espérer, il faut agir : il faut payer de sa vie les premières révoltes qui préparent les révolutions, et c’est ce que fit le peuple.

Alors que l’émeute était encore punie du carcan, de la torture et de la pendaison, les paysans se révoltaient déjà. Dès novembre 1788, les intendants écrivaient au ministre que si l’on voulait réprimer toutes les émeutes, ce ne serait plus possible. Prises séparément, aucune n’avait une grande importance ; ensemble, elles minaient l’État dans ses fondements.

En janvier 1789, on rédigeait les cahiers de doléances et l’on faisait les élections, — et dès lors les paysans commencèrent à refuser les corvées au seigneur et à l’État. Des associations secrètes se formèrent parmi eux, et par-ci par-là un seigneur était exécuté par les Jacques. Ici, les receveurs d’impôt étaient reçus à coups de gourdins ; là des terres de seigneurs étaient saisies et labourées.

De mois en mois ces révoltes se multipliaient. Au mois de mars, tout l’Est de la France était déjà en révolte. Assurément, le mouvement n’était ni continu, ni général. Un soulèvement agraire ne l’est jamais. Il est même fort probable, comme il arrive toujours pour les insurrections des paysans, qu’il y eut un moment de ralentissement des émeutes à l’époque des travaux des champs, en avril, et puis au commencement des récoltes. Mais dès que les premières récoltes furent faites, dans la seconde moitié de juillet 1789 et en août, les soulèvements éclatèrent avec une nouvelle force, sur-