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Orléans ; ou bien, il ira se placer à la tête des armées à l’ouest de Versailles, et de là il menacera et Versailles et Paris. Ou bien encore il fuira vers la frontière de l’Est et attendra là-bas l’arrivée des armées allemandes et autrichiennes que les émigrés lui promettent. Toutes sortes d’influences s’entre-croisent ainsi au château : celle du duc d’Orléans qui rêve de s’emparer du trône après le départ de Louis, celle de « Monsieur » — le frère de Louis XVI, qui eût été enchanté si son frère, ainsi que Marie-Antoinette, à laquelle il en voulait personnellement, eussent pu disparaître.

Depuis le mois de septembre, la Cour méditait une évasion, mais si l’on discutait tous les plans, on n’osait s’arrêter à aucun. Il est fort possible que Louis XVI et surtout sa femme rêvaient de refaire l’histoire de Charles Ier, et de livrer un combat en règle au parlement, mais avec plus de succès. L’histoire du roi anglais les hantait : on affirme même que l’unique livre que Louis XVI fit venir de sa bibliothèque de Versailles à Paris, après le 6 octobre, était l’histoire de Charles Ier. Cette histoire les fascinait ; mais il la lisaient, comme les détenus en prison lisent un roman policier. Ils n’en tiraient aucun enseignement sur la nécessité de céder à temps ; ils se disaient seulement : « Ici, il fallait résister ; là, il fallait ruser ; là encore il fallait oser ! » N’est-ce pas ainsi que le tsar russe lit aujourd’hui l’histoire de Louis XVI et celle de Charles Ier ?… — Et ils faisaient des plans que ni eux-mêmes ni leur entourage n’avaient la hardiesse de mettre à exécution.

La Révolution les fascinait de son côté : ils voyaient le monstre qui allait les engloutir, et ils n’osaient ni se