Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/211

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peuple comprit que s’il ne marchait pas de suite sur Versailles, Versailles marcherait sur Paris.

La Cour préparait évidemment un grand coup. Le roi une fois parti et retiré quelque part au milieu de ses troupes, rien n’était plus facile que de dissoudre l’Assemblée, ou bien de la forcer à revenir aux trois ordres, c’est-à-dire à la situation d’avant la séance royale du 23 juin. N’y avait-il pas, dans l’Assemblée même, un parti, fort de 300 à 400 membres, dont les chefs avaient déjà tenu des conciliabules chez Malouet pour transporter l’Assemblée à Tours, loin du peuple révolutionnaire de Paris ? — Mais si le plan de la Cour réussissait, tout était à recommencer. Les fruits du 14 juillet étaient perdus ; perdus les résultats du soulèvement des paysans, de la panique du 4 août…

Que fallait faire pour empêcher ce désastre ? — Soulever le peuple ! Rien de moins ! Et c’est là la gloire des révolutionnaires, placés en vedette à ce moment : ils comprirent cette vérité, qui généralement fait pâlir les révolutionnaires bourgeois. Soulever le peuple, — la masse sombre et misérable du peuple de Paris, — c’est à quoi s’appliquèrent avec passion, le 4 octobre, les révolutionnaires. Danton, Marat et Loustalot, dont nous avons déjà mentionné les noms, furent alors les plus ardents à cette besogne. On ne combat pas une armée avec une poignée de conspirateurs ; on ne peut pas vaincre la réaction avec une bande d’hommes, si déterminés qu’ils soient. À une armée il faut opposer une armée ; ou bien, faute d’armée, le peuple, tout le peuple, des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants d’une cité. Eux seuls peuvent vaincre, eux seuls